đ Dimanche inspirĂ© par les « Catherinettes », cĂ©libataires de plus de 25 ans, que lâon fĂȘte vendredi prochain et par les femmes qui, Ă force dâĂȘtre catherinettes, se rĂ©veillent un beau matinâŠ. « vieilles filles ». Alors, on met un gyrophare đš sur la tĂȘte pour signaler sa dispo comme le veut la tradition du chapeau saugrenuâŠ.ou on ouvre lâexcellent #VieilleFille de Marie Kock aux @editionsladecouverte pour prendre un peu de recul đ La journaliste y raconte comment elle a arrĂȘtĂ© « le game » Ă 37 ans, se rendant compte quâelle devient alors « vieille fille ». Avec tout ce que charrie cette expression qui ne sent pas du tout le « wow effect ».
Car malgrĂ© les amĂ©liorations quâelle pointe dans son analyse historique et sociale, on y constate surtout que cela peut rester difficile Ă vivre ou Ă assumer. Moins que quand on finissait « recluse », emmurĂ©e Ă vie đ dans une petite construction Ă lâentrĂ©e du village, mais quand mĂȘme. La menace punitive de la sociĂ©tĂ© nâest plus lĂ et pourtant elle semble continuer Ă flotter dans lâair, immatĂ©rielle, intĂ©grĂ©e.
Il est question ici du rĂŽle que la sociĂ©tĂ© patriarcale avait prĂ©vu pour les femmes. Et dâhorloge biologique â±ïž MĂȘme si bien avant 30 ans, dĂšs quâon est cĂ©libâ un peu trop longtemps, lâombre peut planer sur vos intentions⊠à 40/50, le couperet tombe. Physiologiquement, câest surtout lâabsence dâenfants đŁ qui fait la vieille-fille. Mais il y a toute cette imagerie vivace que dĂ©crit Marie Kock, celle de cette femme « laide, revĂȘche, frigide, avare, aigrie, ennuyeuse et ennuyĂ©e ». Celle dont on nâa pas voulu.
Nous avons donc demandé à 4 femmes de la communauté Paris-Yesterday, célibataires et sans enfants, si elles se sentaient vieille fille ?
Â
đ Pour Sofia, 45 ans, on est cĂ©lib jusque vers 38 ans. Puis arrive cet « entre-deux oĂč lâon rĂ©alise quâon nâaura pas dâenfants, que ce soit voulu ou pas, on fait le deuil ». Elle lâa « assumĂ© pleinement car ne voulant pas se conformer Ă un rĂŽle social ou culturel ». Aujourdâhui, elle se sent, libre, indĂ©pendante, libĂ©rĂ©e de cette pression : « ĂȘtre avec quelquâun pour ĂȘtre avec quelquâun, non merci. Je nâai pas fait une croix sur lâamour mais je ne sacrifierai rien pour sortir de lâĂ©tiquette de « vieille fille », que par ailleurs je ne me colle pas ».
â€ïž Lucie, 51 ans, cĂ©libataire depuis 10 ans, oscille entre affranchissement et compromis. Elle ne se sent pas vieille fille car elle a choisi sa vie telle quâelle est. Ni cĂ©libataire dâailleurs et la derniĂšre fois quâon lui a demandĂ© si elle lâĂ©tait, elle a eu un moment de rĂ©flexion pour rĂ©pondre Ă©tonnĂ©e « ah oui ». Elle croit Ă lâamour et a une vie sexuelle Ă©pisodique. Mais elle reconnaĂźt avoir rĂ©pondu Ă cette pression sociale jusquâĂ ses 25 ans, comme pour se prouver sa capacitĂ© Ă se conformer. Puis elle sâen est affranchie. Et arrivĂ©e Ă cet entre-deux des 38 ans, elle a quand mĂȘme commencĂ© Ă faire attention aux clichĂ©s. Par exemple, « je me fĂ©licitais de ne pas avoir envie dâun chat». Elle accepte cette part de sensibilitĂ© conformiste en surface, qui cohabite avec un dĂ©tachement rĂ©el en profondeur. Les enfants ? Elle travaille avec eux et vit cela comme « sa contribution Ă la gĂ©nĂ©ration suivante ».
đ Pour Mia, 49 ans, câest surtout le cĂ©libat, quâelle pratique depuis 5 ans, quâelle trouve rĂ©volutionnaire. Elle y voit une libĂ©ration du regard masculin et des rapports de sĂ©duction. Depuis quâelle a acquis le statut social de vieille fille, elle constate une sensibilitĂ© au regard des autres, mais sans ĂȘtre sĂ»re que cela ne vienne pas que dâelle. Par exemple, au dĂ©but , elle se sentait un peu « sur la touche », surtout dans les soirĂ©es « couples/familles » mais constate que ce nâest pas le cas pour tout le monde. Elle ne se sent pas vieille fille car elle nâa pas « ratĂ© sa vie comme le suppose lâexpression », mais sait quâelle y ressemble vu de lâextĂ©rieur, ce qui lâamuse, surtout quâelle a des chats đ±đ
đ Et MĂ©lissa, 24 ans, est-elle une future vieille-fille ? Ce nâest pas son projet, mais les raisons pour lesquelles elle reste cĂ©libataire depuis +3 ans, sont assez anti-patriarcales et lâauraient facilement destinĂ©e Ă la rĂ©clusion, Ă une autre Ă©poque : suite Ă une rupture, elle a rĂ©alisĂ© quâelle avait toujours Ă©tĂ© celle qui « Ă©tait choisie » plutĂŽt que celle qui choisissait. Son Ă©ducation fĂ©ministe lui a alors fait ressentir le besoin de prendre le temps de valider son propre fonctionnement pour ĂȘtre sĂ»re quâelle vivait selon ses propres choix. Et non parce quâelle avait Ă©tĂ© « influencĂ©e par une sociĂ©tĂ© patriarcale pour donner aux hommes ce quâils attendent » dâelle. Elle a une vie sexuelle et ne se sent en rien « vieille fille », sauf, peut-ĂȘtre un peu âŠ.. quand son entourage commence Ă lui demander « alors tu tây mets quand ? ».
Â
đđ» Sofia, Lucie, Mia, Melissa, 4 femmes cĂ©libataires et sans enfants dont 3 qui peuvent prĂ©tendre au titre de « vieille fille », mais aucune qui ne sâidentifie ainsi, Ă part peut-ĂȘtre dans le regard des autres. Ou ce quâelles imaginent ĂȘtre le regard des autres. Ou mĂȘme une part de leur propre imaginaire.
 đȘ¶ Les mots nourrissent lâimaginaire. Une expression peut servir Ă nommer le fait dâĂȘtre non mariĂ©e, sans enfant et mĂ©nopausĂ©e ou presque, mais pourquoi « vieille fille » ? « Vieille femme » ne suffirait pas niveau sens, fille sous-entendant virginitĂ© et cĂ©libat, appartenance au pĂšre plutĂŽt quâĂ son mari. Alors peut-ĂȘtre faut-il un autre mot. Ou sâemparer de celui-ci en le renversant, tel un slogan quâon pourrait porter sur un T-shirt đđȘ§Â
Dans les faits, il nâest heureusement plus nĂ©cessaire dâĂȘtre mariĂ©, hĂ©tĂ©ro et fertile pour se reproduire et devenir parent, que reste-t-il donc de ce systĂšme qui assigne la femme Ă la reproduction ? On dirait bien quâil traĂźne encore dans nos tĂȘtes, y compris celles des femmes qui se sont extraites de cette injonction. Il reste donc salutaire dâĂ©crire sur ce sujet pour aller vers plus de libĂ©ration.
đŹïž Alors, on inspire, on souffle et on remercie Marie Kock pour son ouvrage « Vieille fille », ainsi que toutes celles et ceux qui ont pavĂ© ce chemin jusquâĂ nous, facilitant les choses pour les catherinettes volontaires ou accidentelles mais aussi pour celles qui embrassent la vie maritale et parentale dans un libre choix.
Texte écrit par Anne Rouquier
0 commentaires