Née « Marie Suize » en Savoie, à la fin du 19ème dans une famille de 12 enfants, elle monte à Paris à 22 ans. Elle y devient domestique mais se produit « un drame » et nous la retrouvons vivant sous les ponts. On pense à un abus sexuel mais rien n’en a jamais été dit. Une femme la prend en sympathie et l’aide à retomber sur ses pieds en la faisant embaucher dans un journal. C’est là qu’elle lit un article sur la découverte de gisements d’or en Californie. On dit qu’il suffit de se baisser pour le ramasser.
Marie part, on retrouve les traces de son embarquement … en homme. Elle paye le billet à un autre homme, un ami, sans doute pour se garantir la tranquillité. De là vient la supposition de l’agression sexuelle en tant que domestique. On l’imagine prendre conscience des limites que lui imposent sa condition de femme mais aussi les dangers d’être une femme pauvre et seule.
La voici donc protégée par l’uniforme masculin, cheveux coupés, bottes et pantalon. Voyage de 5 mois. Elle arrive et c’est parti pour l’aventure dans cet espace où les normes sociales européennes, reproduites telles quelles sur la côte Est, sont en retrait dans cet espace vu comme « sauvage » par les pionniers. Cela lui permet de vivre en tant que femme habillée en homme. Immédiatement, elle cherche de l’or, en trouve et amasse un petit magot, qu’elle investit en achetant une concession.
Elle embauche des hommes qui travaillent sous ses ordres, surtout des savoyards. Elle se comporte et travaille « comme un homme », si cette expression veut dire quelque chose, sans doute le fait d’être robuste grâce à ses jeunes années à suivre ses frères dans les montagnes savoyardes, d’être travailleuse et industrieuse comme toute sa famille. Courageuse aussi comme lorsqu’elle défend sa mine contre des canadiens venus la lui voler. Elle les enfume puis garde l’entrée pendant une semaine, armée et installée sur son lit qu’elle a traîné jusque là. Marie ne plaisante pas.
Elle devient riche et monte des commerces. Elle achète un ranch pour y installer un élevage de vers à soie et des vignes. Elle développe notamment un cépage, aujourd’hui encore le plus répandu en Californie. On l’appelle déjà Marie Pantalon (« Pantaloons » avec l’accent). Elle a acquis une certaine notoriété de par son personnage et les portes enfoncées depuis le début pour arriver à ses fins. En femme d’affaires avisée, elle utilise donc ce nom pour bander ses produits « Miss Pants ».
Sa vie privée reste un mystère. Elle semble éternelle célibataire. Tournée sur sa famille, elle les fait presque tous venir.
Alors que la société se recrée dans la région, avec ses règles, ses lois, Marie se frotte par 3 fois au système à cause de sa tenue. Elle est notamment arrêtée à San Francisco pour « port de vêtements masculins ». Elle paye les amendes et signe les procès-verbaux « Marie Pantalon ». Mais une fois, une association de femmes vient à sa rescousse en mobilisant la presse et elle gagne, créant l’exemple, l’ouverture.
Car c’est ainsi qu’elle fait avancer la cause des femmes, en faisant avancer la sienne. Elle ne milite pas, alors que d’autres sont déjà mobilisées. Elle force juste le passage quand on l’empêche de réaliser ses plans. Et gagne ainsi l’affection des militantes.
La fièvre de l’or aura sa peau en passant de celle-ci à celle de la spéculation boursière, qui la ruine. Elle meurt à 67 ans dans son ranch. Louée par la presse mais ensuite oubliée sans personne pour faire vivre sa mémoire… En France, ses frères et soeurs sont revenus et feront vivre son histoire dans les veillées, jusqu’à être redécouverte, réhabilitée et célébrée là-bas et ici. Ainsi se finit l’histoire de Marie Pantalon qui aura contribué à ce qu’on puisse courir à grande enjambées ou s’asseoir en entrelaçant ses jambes comme un yogi ou en manspreading brutal :) tout en devenant de successfull entrepreneuses !
🌬️ Alors on inspire, on souffle et on se branche à l’audace de ces femmes, comme Marie, qui avancent sans s’arrêter aux stops injustifiés. Et comme on est au 21eme siècle, on sait pouvoir dire que ces stops sont parfois extérieurs à nous, mais souvent intérieurs. Le solstice d’hiver arrivant, nous vous proposons de les mettre en lumière pour éclairer votre chemin de 2023 ! Sol Invictus ! Bonnes Fêtes !
Article écrit par Anne Rouquier
Crédit illustration : drawing by Kathleen Lynch
Publié: Sun, Dec 11, 2022
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